Tout a commencé le jour où Claude Morel, atteint tardivement de malvoyance puis de cécité, a rencontré Christophe Jouve, responsable du Pôle Numérique d’ECAM Lyon. Il recherchait des experts pour l’aider à concevoir une tablette tactile spécialement conçue pour les déficients visuels. Son objectif : faciliter l’apprentissage du braille, tout particulièrement pour les personnes ayant perdu la vue à un âge avancé.
Christophe Jouve a vu dans ce projet de tablette numérique un défi singulier et enrichissant pour les élèves-ingénieurs ECAM Arts et Métiers, dans le cadre de leurs Projets de R&D.
La concrétisation d’un tel projet impliquait de procéder à une analyse approfondie des idées initiales de Claude Morel. Les élèves-ingénieurs devaient alors imaginer et concevoir la forme du boîtier, puis procéder à une batterie de tests, d’usage, de fiabilité… Il était notamment indispensable de se mettre à la place des utilisateurs non-voyants qui allaient utiliser cette tablette : il s’agissait d’un défi inédit et passionnant pour les élèves-ingénieurs.
L’équipe a procédé à une analyse créative et fonctionnelle, pour aboutir au principe des planches d’exercices amovibles et identifiables par le boîtier. L’intégration de l’électronique dans un espace réduit et très contraint par les formes du boîtier constituait un challenge intéressant. Enfin, un prototype fonctionnel a été réalisé, suffisamment robuste pour la réalisation de tests par des utilisateurs destinataires.
La tablette AB Vocal est un boîtier embarquant de l’électronique :
– de gestion spécifique des 40 touches, prenant en compte les différentes possibilités d’appui selon l’exercice ;
– d’une planche exercice positionnée par l’utilisateur ;
– de gestion de la logique de chacune des planches exercices et de la diffusion des messages sonores/vocaux associés à chaque étape de l’exercice ou de l’apprentissage ;
– de détection et de suivi de la présence de cette planche (élément amovible, tactile et très manipulé par l’utilisateur) ;
– de gestion des consommations de l’appareil et de sa batterie.
Pourquoi inventer un nouvel outil d’apprentissage du braille ?
L’environnement au quotidien n’est pas adapté aux déficients visuels et c’est d’autant plus compliqué lorsque cette déficience intervient assez tard dans leur vie. Tant de situations auparavant anodines deviennent complexes. Face à ces situations ordinaires, les outils digitaux, smartphones, QRcodes ou autres technologies n’apportent pas toujours la solution fiable et simple qui conviendrait : usage peu intuitif, soucis de compatibilité, autonomie des batteries…
L’écriture braille reste une valeur sûre indispensable pour permettre aux malvoyants et aux non-voyants, en complément d’outils numériques adaptés, d’interagir avec leur environnement, dans leur quotidien, sans être dépendants d’outils complexes.
Les exemples sont nombreux : les marquages en braille placés sur des boîtes de médicaments permettent d’éviter toute erreur liée à la posologie ; dans les ascenseurs, sur les interphones, ils sont un guide indispensable !
Pour rappel, on compte, en France, près de 70 000 personnes aveugles et plus de 150 000 malvoyants profonds.